Technique Lets Doctors Measure Vital Signs with Just a Cell Phone Camera
16/10/2013
Les autres sites de produits de santé #hcsmeufr
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Quantified Self et Big data – Santé 3.0 : sommes-nous prêts ?

À chacun son Little data

Nous faisons du Quantified Self (QS) comme M.Jourdain de la prose : sans le savoir, et depuis longtemps. À commencer par le suivi de son poids sur une balance. Mais les nouvelles technologies ont bouleversé nos pratiques en facilitant et en automatisant la collecte de données avec des outils de plus en plus sophistiqués. Sur son smartphone, le joggeur a désormais en temps réel des tableaux de bord à faire pâlir la NASA indiquant vitesse, distance, calories brulées, etc.

Dans le sillage des Fitbit, NikeFuelband, Jawbone, ou du Withings made in France, des nouvelles solutions sortent par dizaines, combinant capteurs et applications sur smartphone. Tout s’automesure : rythme cardiaque, tension, cycles du sommeil, glycémie… et s’autoévalue: douleur ressentie, évolution de l’humeur ou de performances cognitives. Discrets, ultra-connectés et mobiles, ces outils permettent à chacun de créer son propre Big data personnalisé… à chacun son « Little data » médicalisé ! Mais sous cet aspect souvent ludique – on parle de gamification –, un phénomène très sérieux est en passe de modifier en profondeur le monde de la santé, vers un patient plus engagé et responsabilisé.

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

La donnée individuelle issue du QS est en soi une avancée remarquable pour la médecine : en temps réel, des données peuvent être transmises au professionnel de santé qui à distance, fait un suivi et intervient si besoin. Certains laboratoires expérimentent ainsi de nouveaux services pour améliorer le suivi des patients au-delà du médicament. Par exemple AstraZeneca en Grande-Bretagne, avec une application développée par Exco InTouch en pneumologie. Ou encore Sanofi en France, avec la plateforme Diabeo de Voluntis dans le diabète. 

Quand ces données individuelles sont mises en commun, alors Little data devient grand. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements, mais les perspectives sont prometteuses.

Le réacteur où ces données peuvent fusionner et libérer leur puissance : les communautés de patients online. Dans un futur proche, elles pourraient devenir un outil de création et de partage de connaissance jamais égalé dans l’histoire de la médecine. Aux États-Unis, le précurseur de ces communautés, PatientsLikeMe (créé en 2004), compte plus de 220 000 membres sur 2 000 pathologies, avec plus de 35 publications d’études cliniques à son actif. Sur CureTogether (crée en 2008), dans le groupe dédié à la migraine, près de 7 000 patients échangent en temps réel sur leurs traitements et leurs manières de mieux vivre la maladie. En France, Carenity affiche plus de 20 000 membres actifs, 30 000 traitements y sont évalués.

Vers la Médecine 4P pour tous (Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative)

Ce n’est qu’un début et tout le système de soins bénéficierait de la Santé 3.0 à l’ère SO-LO-MO (social-local-mobile).

Pour le patient, malade ou bien portant, l’échange collaboratif d’informations permettra de mieux se comprendre soi-même, se maintenir en bonne santé et améliorer sa qualité de vie. Connecté aux communautés, le patient bénéficiera d’un support psychologique sur mesure (après l’effet Placebo, l’effet Solomo ?).

Pour les scientifiques, ces données permettront des études cliniques à grande échelle renseignant sur le déroulement de la maladie, l’efficacité et les effets secondaires d’un traitement : une source de real-life data non sans biais, mais inépuisable.

Pour les médecins, ces mesures empiriques aideront à optimiser la prise en charge du patient et à personnaliser son traitement. Depuis longtemps, les hôpitaux universitaires font appel à des patients experts qui, intégrés aux équipes soignantes, les aident à mieux comprendre certaines maladies et à mieux accompagner le patient. La médecine sera plus collaborative, plus proche encore du patient et de ses spécificités – a fortiori avec des thérapies ciblées et adaptées à la génétique de chacun.

Pour l’industrie pharma, c’est une étude de marché « à ciel ouvert ». Déjà, certains sites communautaires développent et commercialisent des enquêtes à partir de leurs bases de données. Généralisés et professionnalisés, ces observatoires offriront des perspectives sans précédent sur ce que le marketing pharma appelle le patient journey (la trajectoire du patient).

Pour les autorités de santé, ce real-life data améliorera la pharmacovigilance et l’épidémiologie et contribuera aux décisions d’autorisation de mise sur le marché. Pour les payeurs (publics et privés), ces données serviront à réduire le nombre de consultations, mieux négocier prix et remboursement et mieux prévoir les dépenses.

Pour tous, dont les fournisseurs de solutions technologiques, il s’agit d’un océan que l’on commence tout juste à cartographier et s’étendant à perte de vue. Tout reste à inventer, notamment la coopération entre les nombreuses parties prenantes.

Des données à haut risque

Ceci dit, de par la sensibilité, la complexité et le volume des données ainsi brassées, la Santé 3.0 peut-elle être contre-productive pour le bien-être du patient et l’efficacité des soins en général ?

« Data don’t lie » (les données ne mentent pas) répète-t-on outre-Atlantique. Mais en tant que patient, jusqu’où faire confiance à ces données ? Mal capturées ou mal interprétées, elles seront autant de facteurs d’anxiété et de risques de mauvaise interprétation.

Même devant les protocoles de données QS les plus sérieux et fiables, qu’en penseront les professionnels de santé ? Certains médecins n’appréciaient déjà pas l’incursion de leurs patients aux abords de leur savoir scientifique munis des bribes d’informations glanées sur Doctissimo et autres forums (Santé 2.0). Demain, comment réagira le médecin quand le patient viendra avec ses propres données croisées avec une « cohorte » virtuelle de milliers d’autres patients ? En particulier si ces données remettent en question le choix de telle molécule, de la posologie ou du mode opératoire.

Enfin, et ce n’est pas là le moindre des problèmes, se pose la question des modalités d’accès à ces données. La capacité des autorités à encadrer ces nouvelles pratiques sera clé pour créer un cadre de confiance et d’éthique. En France, la CNIL veille au grain, mais quand nous nous trouverons au milieu de la tempête de données médicales sensibles (issues de millions d’objets connectés, partagées dans des milliers de communautés et de flux), les règlementations actuelles seront-elles suffisamment réactives et solides ? Quand Facebook collecte le top 10 de nos films préférés sous prétexte d’un quizz, on peut fermer les yeux. Mais s’il le faisait, en temps réel, avec l’évolution de notre taux de cholestérol, de notre poids ou d’autres marqueurs de risque cardiovasculaire ?

Santé 3.0 : sommes-nous vraiment prêts ?

Le Rapport sur la gouvernance et l’utilisation des données de santé remis à Marisol Touraine début octobre rappelle combien la France est précurseur dans le Big data en santé. Monstre de données, le SNIIRAM (Système national d’informations inter-régime de l’assurance maladie) retraite et stocke chaque année plus de 1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d’actes médicaux et 15 millions de séjours hospitaliers. Il s’agit de la plus grande base de données de santé au monde.

Alors que le débat est encore ouvert sur l’Open data des données de santé publique, dans une certaine mesure, les options qui seront retenues par les autorités françaises sur ces données devraient préfigurer ce que nous pourrons faire de tous ces Little data privés et interconnectés… d’ici quelques années, quand l’échelle Big data sera atteinte et que premières dérives dans leur accès et leurs usages (assureurs, employeurs, hackers…) deviendront un risque plus tangible.

Au-delà de la régulation et des prouesses technologiques, l’enjeu le plus crucial est clairement dans l’accompagnement du patient et l’intégration de ces nouvelles pratiques dans le système de soins. Car le Patient 3.0 ne survivra pas longtemps dans cet océan de données s’il n’est pas en totale confiance, accompagné par des professionnels eux-mêmes sensibilisés et formés à ces nouveaux protocoles médicaux. Il reste cependant à définir le rôle de chacun.

Qui sera chargé du « coaching numérique » du patient ? L’infirmière libérale, le labo d’analyses médicales, le médecin de famille, une profession paramédicale dédiée, ou une nouvelle spécialité ? Professionnel de santé, acteur de confiance et de proximité : et si le pharmacien était le mieux placé en tant que « patient community manager » ? Il gère déjà le dossier pharmaceutique avec 98 % des pharmacies connectées et 24 millions de patients enregistrés…

Une vague de fond va déferler. Avec ses opportunités et ses risques. Régulations, métiers, modèles économiques, mentalités : toutes les parties prenantes doivent se préparer à surfer sur la crête dans les meilleures conditions et en bonne coopération pour s’assurer que la Santé 3.0 soit une vraie révolution, et non une succession de gadgets et d’effets de marketing. 

Sans corporatisme ni blocage idéologique, sans myopie ni préjugés. Autorités de régulation, professionnels de santé, partenaires industriels, sociétés savantes, associations de patients et de consommateurs : quand on sait la taille et la puissance de la vague, personne ne pourra dire qu’il ne l’avait pas vue venir !

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